De deux choses l’une, soit je me laisse aller à la déprime, soit je me laisse aller à me dépraver. Marion veut me raconter sa première nuit avec son écolo sur MSN. Mes réponses quasi monosyllabiques ne la mettent pas sur la piste. Elle ne va pas me demander si je vais bien. Je ne vais pas me rabaisser à lui raconter. Je veux la tester un peu. Marc m’a envoyé un SMS pour savoir si je voulais boire un cappuccino avec lui à la cafétéria de la fac. Je ne vais pas lui répondre. Il sait que je réponds toujours et que si je ne le fais pas c’est que quelque chose va mal. Je veux qu’on vienne me sauver mais j’ai ma fierté. Cela va faire trois nuits que je force Romain à dormir dans la chambre d’amis. Il essaye de me parler, à coups de: « Manon, s’il te plait» , « Manon, je t’en prie », « Manon, je t’en supplie. ». Supplie-moi grand con, supplie-moi. Mais plus ça va, moins j’ai envie de l'arrêter, je crois que j’aimerais bien comprendre pourquoi il m’a fait ça, et pourquoi avec cette folle de Sandra. Je vais dans le salon. Il est affalé sur le canapé en train de croquer une nature morte. Je pousse un peu ses jambes pour m’assoir à côté de lui. Il a l’air surpris, mais au fond je suis surprenante. Il me demande si je veux savoir. Je lui dis: « pas tout de suite ». Je lui pique une feuille de son bloc et prends un crayon gras. Je lui dis que je vais le dessiner, moi aussi, et qu’après il pourra tout me raconter, me prouver à quel point il est con. Je dessine vite fait une grosse bite toute moche et lui tends la feuille, l’air triomphant. Il me regarde, l’air circonspect. Il ne sait pas comment réagir, alors ça me fait rire, alors il rit aussi. Je stoppe net. Il voit que ce n’est pas trop le moment de plaisanter. Il se redresse. Il me dit que ça ne va pas me plaire et que, je peux le croire ou non, mais à aucun moment il n’a essayé de me blesser. J’ai du mal à adhérer à cette idée mais j’ouvre grand les oreilles, les yeux et mes chakras :
« Tu te souviens quand Sandra a commencé à rester chez nous le week-end ? »
« Oui. »
« Tu te souviens pourquoi ? »
« Oui, parce que son père avait fait des trucs crados mais on n’a jamais su quoi. »
« Tu n’as jamais su quoi. »
« Ah, elle te l’a dit, ça vous a rapproché et vous avez niqué dans mon dos ? »
« Non, non. »
« Alors quoi ? »
« Disons qu’elle n’a pas eu besoin de me le dire. »
« Ah, le père de Sandra te fait des confidences sur sa vie sexuelle maintenant ? »
« C’est pas vraiment ça, laisse-moi t’expliquer s’il te plait. Ne m’interromps pas. »
« Ok, ok. »
« Alors, tu vois, si je suis au courant des activités sexuelles du Père de Sandra, c’est que j’en fais partie intégrante. »
« Quoi ? »
« Quand Sandra a surpris son père en train de faire des trucs étranges, bah en fait on était ensemble sur son lit. »
« Il t’a violé ? »
« Mais non voyons. »
« Drogué ? »
« Ecoute, arrête un peu de faire semblant de ne pas comprendre. Je sais que tu le sais. Tu l’as toujours su. »
« Toujours su quoi ? »
« Que j’aimais aussi les hommes. »
« Euh… »
« Arrête. »
« Comment ça arrête ? Mais tu me l’as jamais dit. »
« Mais tu l’as toujours su quand même, non ? »
« T’as eu des ex un poil masculine mais j’ai jamais pris ça pour un coming-out. »
« Bah voilà, écoute-moi bien, je le fais mon coming-out, là. »
« Ah oui, je ne fais que ça t’écouter, parce que j’aimerais bien aussi un peu te frapper, mais j’imagine que si je le fais, je n’aurai pas la fin de l’histoire… »
« Manon… »
« Allez, dis moi pourquoi tu te faisais enculer par le père de Sandra alors ?! »
« Bah techniquement, c’était plutôt lui qui… »
« Oh Romain, je t’en prie, viens-en au but ! »
« Eh bien tu sais, ce n’était pas la première fois que ça arrivait. »
Je l’écoute me raconter qu’il me trompe avec le père de Sandra depuis des mois. J’essaye d’avoir l’air calme. En vérité, je voudrais pleurer. Je l’écoute me raconter qu’après avoir été surpris par Sandra, celle-ci a pris le parti d’instaurer un jeu de chantage pervers. Si Romain couchait avec elle, alors, elle garderait son petit secret pour elle et jamais je n’aurais à apprendre quoi que ce soit. En gros, Romain a couché avec elle pour me préserver. Certes. J’essaye d’avoir l’air sereine. En vérité, je voudrais mourir. Marc me renvoie un SMS pour savoir pourquoi je ne réponds pas, si j’ai un problème. Marc c’est un chic ami, quand même. Faudra que je pense à être un peu plus présente pour lui. Après tout, sa meuf est super chiante, il mérite une amie comme moi, pour contrebalancer. Romain a l’air d’avoir fini son plaidoyer. Il n’essaye même pas de se trouver des excuses. J’essaye de me la jouer compréhensive. Je lui demande s’il m’aime encore. Il me dit bien sûr et essaye de me caresser les cheveux, mais je le repousse à temps. Je lui demande, la voix tremblante s’il m’avait déjà trompée auparavant. Il me dit oui. Je lui dis que je ne veux pas savoir. Puis je change d’avis. Puis en fait non. Il ne m’écoute pas et me raconte qu’à l’époque où on s’est mis ensemble, il était déjà plus ou moins dans une relation triangulaire libre mais compliquée. Je lui demande qui serait bien assez glauque pour être dans une relation triangulaire avec lui. Pendant qu’il essaye de trouver une formule toute faite, je pense à toute sorte de scénario. Un couple de vieux, des sœurs perverses, deux petites sans-papiers. Il me coupe de mes divagations par un sévère :
« Martin et Antoine. »
« Martin et Antoine comme dans Martin et Antoine nos meilleurs amis ? »
« Oui. »
« Mais comment avez-vous pu me faire ça ? »
« Ils ont dû se poser la même question. »
« Quoi ? »
« Oui, pour eux, je les ai quitté pour toi. C’est toi la trouble-fête dans l’histoire à leurs yeux. »
« Fais-moi penser à leur envoyer une carte d’excuse. »
« Non mais tu comprends bien que si je t’ai choisie toi, c’est parce que je t’aimais plus qu’eux. »
« Mais si tu m’as trompée avec eux, c’est parce que tu les aimes encore ? »
« Non, non, j’étais bourré. »
« Ah, ça change tout. »
« Non mais ce n’est arrivé qu’une fois, plus par habitude qu’autre chose, enfin du moins de ma part. »
« Ah, pour eux c’était pas de la routine ? »
« Je crois qu’il espérais encore me faire changer d’avis. »
« Et tu as changé d’avis ? »
« Non, je te préfère encore. »
« C’est bon à savoir. »
Je l’écoute déblatérer encore quelques banalités. Il me demande où on en est, je lui dis que pour l’instant je n’en sais rien, que j’aimerais qu’il continue à dormir dans la chambre d’ami, mais que je l’interdis d’y recevoir ses multiples amants. J’essaye de penser à autre chose et de m’endormir. Je crois que je ne vais pas y arriver. Alors je vais regarder un épisode de Docteur House, ou deux, ou trois, ou quatre, ou peut-être même cinq. […] Il est quatre heures et demie du matin, je n’ai plus de larmes à pleurer alors je décide qu’il est l’heure de fermer les yeux, jusqu’à demain au moins.
[ …]
Un coup de téléphone de Marion me réveille. Il est midi. Elle veut me raconter à nouveau ses ébats avec l’écolo. Elle parle, elle parle, et comme je ne réponds pas beaucoup, elle me demande alors par politesse si ça va. Je dis que Romain m’a trompée avec trois hommes et une femme. Mais sinon, ça va. Elle me dit qu’elle aime vraiment bien son écolo mais qu’il insiste beaucoup pour la sodomie et que ça l’attire pas des masses. Je la comprends, moi non plus. Je n'ai jamais vraiment aimer parler de sexe avec mes amies mais je lui dis la vérité :
« Surtout, fais-le, sinon il va virer PD et coucher avec le père de ta meilleure amie. »
mardi 26 janvier 2010
Sinon ça va #6
Publié par Gourelle à 00:07
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