jeudi 18 septembre 2008

Jalousie #2

La jolie demoiselle qui jusque là m’ignorait complètement, s’est approchée de moi un après-midi, elle m’a tendu un petit bout de papier. Je compris qu’elle ne me prenait pas pour un intermédiaire vivant entre la corbeille et elle-même quand, en s’éloignant, elle me fit signe d’ouvrir le papier.J’attendis d’être hors de sa vue pour m’exécuter. Je ne voulais surtout pas avoir l’air surexcitée de recevoir un billet aigre ou doux de sa part. A l’ouverture de ce mot, je me félicitai d’avoir attendu. Ma mine déconfite l’aurait sûrement trop satisfaite. Et à partir de cet instant précis, je décidaide ne plus faire quoi que ce soit qui aurait pu la satisfaire, aussi minime soit sa satisfaction. La prétention dont elle faisait preuve n’était égalée dans le pays que par la mienne, et ce, sans prétention aucune. Elle m’avait écrit qu’elle avait très bien saisi mon petit manège et que c’était dans son intérêt comme dans le mien qu’elle me demandait de cesser tout de suite mes manigances. Mais je ne manigançais rien du tout. Ma vie était tristement monotone et mon cercle d’amis très restreint. Personne ne tenait particulièrement à me voir, et je ne tenais pas spécialement à les voir non plus. Je tenais à ce que cela soit bien clair entre vous et moi. Je n’étais pas associable, mais je ne sortais pas beaucoup ces derniers temps. Je sortais seulement pour aller dans des soirées où personne ne m’attendait, des soirées « entrée libre » dans des clubs et bars huppés. Je n’y allais pas pour faire mon élitiste, loin de là, puisque je n’appartenais pas du tout à ce monde là, au monde de la nuit où les lunettes de soleil sont plus imposantes que le Q.I. de la personne qui les porte. J’y allais pour la voir.Elle était toujours bien, très, peut-être trop entourée. Son port altier et ses petits mouvements de doigts pour se recoiffer de temps en temps, la rendaient encore plus intéressante. A vrai dire, elle était lumineuse, d’une fausse discrétion, et d’une vraie perfidie. Elle ne faisait pas de blagues, elle riait à celles des autres, mais pas n’importe quels autres. Elle riait aux blagues des gens qu’elle voulait ensorceler. Car,oui, de là où je voyais la scène, on aurait dit une sorcière, une sorcière qui aurait pris l’apparence d’une autre.Je refusais de croire qu’elle avait un bon fond, je la voyais calculatrice au possible, je la voyais réfléchir tous ses gestes. J’étais exaspérée quand autour d’elle, les gens ne voyaient rien, et prenaient tout son jeu d’actrice pour de la spontanéité. Je l’observais et l’étudiais comme on le fait en littérature, avec un personnage complexe. Je n’aurais pas aimé être l’auteur de ce personnage, non pas que je connaisse ses parents, mais j’aurais aimé être ce personnage. Alors, à défaut d’avoir eu son talent pour vivre aisément en communauté, j’usais mon temps à la critiquer. Critique littéraire, j’aurais aimé, en fait non. J’aurais détesté, c’était juste pour écrire une phrase de transition.
Je sais qu’elle m’apercevait lors de ces soirées, mais qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire, étant donné que tout le monde pouvait venir à ces soirées; mais tout le monde n’y venait pas seul et ne la fixait pas avec insistance. J’essayais de retrouver sa trace sur Internet, je tombais sur des tas de sites où elle était inscrite, lisait les forums où elle avait posté. Je « connaissais » la plupart de ses amis grâce à ces sites. Je commençais aussi m’intéresser à la vie de ses amis, je n’allais pas jusqu’à retracer leurs arbres généalogiques, mais je m’en approchais tout de même. Je pensais sincèrement que mes recherches, n’étant pas rendues publiques, ne pouvaient offenser ou apeurer qui que ce soit. J’avais tort. Certaines applications, faciles d’utilisation, permettaient à qui le voulait, de vérifier qui consultait son profil fréquemment. Je pense que si jamais la fille dont je vous parle avait connaissance de ces applications, elle aurait pu savoir que je regardais ses profils, car je le faisais plus de 5 fois par jour, ce qui suffit pour passer pour une psychopathe, je suppose. Mais, je m’ennuyais, vraiment, beaucoup. Et quand des gens disent des banalités du genre « arrête de rêver ta vie et commence à vivre tes rêves », je les trouve bien idiots, et je les plains surtout, car ils ne doivent pas connaître des rêves tels que les miens. Des rêves où je fréquente Justin Timberlake, des rêves dans lesquels j’ose dire tout ce qu’on n’a jamais osé dire, comme par exemple, répondre « non » à la question quasi rhétorique « tu vas bien? ». C’est osé, il faut le reconnaître…

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