Passer une minute de plus ici semblait vraiment être la mer à boire, une montagne à gravir et des cailloux à polir, aux doux yeux de Polly Baggoo, la pin-up du quartier. Elle ne supportait vraiment pas d’être vue au bureau de vote. Ca impliquait bien des choses. Elle aurait des opinions, elle aurait envie de les partager. Elle aurait l’air citoyenne. C’était bien trop pour Polly Baggoo, qu’on surnommait par ici Polly l’magot, Polly le p’tit bout, Polly Baggoo. Quand je dis ici, je parle du saloon du vieux Hal’.
Hal’ en était mais n’aimait pas que ça se sache. Au saloon, quand on servait des boissons aux vrais hommes, on se devait d’en être un ou d’être une poupée_ comme Polly Baggoo_ mais on ne pouvait pas être attiré par les hommes comme l’était le vieux Hal’. Puis, de toute manière, à son âge, ça n’aurait pas été très convenant de tenter quoi que ce soit avec ses jeunes habitués. Oui, ils étaient jeunes, pas tellement parce que le décor ou la musique étaient modernes. Les tarifs étaient même plutôt élevés mais c’était pour le sourire de Polly que venaient les petits gars du quartier, à la fin de la journée. Elle était toujours là, prête à vous servir à boire, prête à vous donner de quoi picorer et quand elle se penchait au dessus du comptoir, on avait toujours l’espoir d’en apprendre un peu plus sur la vie. Elle était généreuse, la Polly.
Une minute de plus dans ce bureau de vote, ça représentait beaucoup pour Polly et ses grand yeux dorés. On devait élire le shérif et Polly d’habitude, c’est la dernière à s’en soucier de ces choses là mais moi je crois que cette fois ci, si ça l’intéressait c’est parce que je me présentais. Je dis ça, mais je le dis en toute modestie. La petite Polly, je sais bien qu’elle a toujours été amoureuse de moi. Bien sûr, je ne le sais pas depuis toujours. Je le sais seulement depuis qu’elle m’a offert des cookies avec pour toute carte, une photo d’elle dénudée. Sacrée Polly, elle est vraiment généreuse.
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